Abreuvement
Une pompe solaire pour les chevaux

Isabelle Doucet
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Lauréat du GDS/Agrodirect lors du dernier Prix de l’Excellence agricole et rurale, le Conservatoire des espaces naturels de l’Isère a installé une pompe solaire autonome permettant d’abreuver les animaux du marais de Charvas.

Une pompe solaire pour les chevaux
Jean-Luc Grossi, charge de projet au CEN et les chevaux konik polski du marais de Charvas.

C’est un îlot de verdure traversé par l’A432 et la ligne TGV, à la limite des départements de l’Isère et du Rhône. Le marais de Charvas, à Vilette-d'Anthon, est un espace naturel sensible de 180 ha coupé en deux entités, est et ouest.
C’est dans cette dernière partie que paissent une poignée de chevaux konik polski, une race rustique, reconnaissable à leur petite taille, leur robe souris, la raie parcourant leur dos et leur crinière foncée.
Ils ont été installés dans le secteur en 2013 et ont vécu jusque-là en parfaite autonomie.

  Chevaux konik polski

Mais, avec la sécheresse de 2022, le gestionnaire du marais, le Conservatoire des espaces naturels de l’Isère (CEN), a imaginé l’installation d’un système d’abreuvement en cas d’assèchement des mares et du ruisseau qui traverse le site.
Le CEN s’est rapproché pour cela d’Agrodirect, l’entité commerciale du Groupement de défense sanitaire de l’Isère (GDS), qui lui a proposé un système de pompe solaire autonome.
Cette opération a été mise en avant à l’automne 2022 dans le cadre du Prix de l’Excellence agricole et rurale organisé par Terre Dauphinoise, lors de la foire de Beaucroissant.
Partenaire de l’opération, le GDS/Agrodirect a en effet désigné le CEN comme son lauréat au titre de l’innovation en énergies renouvelables.

Des paddocks pour gérer la végétation

Le gestionnaire du marais avait bien creusé quelques points bas et fait appel à un agriculteur local pour apporter une tonne à eau en période de tension de la ressource en eau, mais recherchait une solution pérenne.
La pompe qui sera prochainement mise en place est un système autonome dont les batteries sont rechargées par des panneaux solaires.

  Pompe solaire autonome

Un flotteur coupe le pompage lorsque le bac d’abreuvement est plein. Trois forages seront réalisés, permettant de déplacer la pompe à l’intersection des différents parcs.
L’ENS a en effet été divisé en une dizaine de paddocks pour permettre un pâturage tournant et ainsi mieux gérer la végétation.
« En 2022, il y a eu beaucoup de restrictions d’usages de l’eau, si bien que le cours d’eau, qui traverse le marais, ne s’est pas asséché… car il y avait moins de pompages ! », rapporte Jean-Luc Grossi, chargé de projet au CEN.
C’est la raison pour laquelle la pompe est restée dans son carton pour être installée cette année. Les travaux seront réalisés avec le moins d’impact sur l’environnement.
Car inscrit dans un environnement contraint, ce marais séculaire a bénéficié de travaux réguliers de restauration pour sauvegarder son réseau hydraulique.
Mais les années exceptionnelles de sécheresse devenant courantes, il convenait de sécuriser l’abreuvement des animaux.
Les koniks polski sont des chevaux descendant du tarpan, ancêtre préhistorique sauvage.
Le CEN les a acquis auprès de la fondation hollandaise Ark, spécialisée dans la réintroduction d’espèces animales sauvages en Europe.
Le conservatoire possède ainsi quelques troupeaux de chevaux en régie directe, notamment à Tullins et Saint-Laurent-du-Pont, ainsi que des bovins sur l’île de la Platière et au Grand-Lemps, les deux réserves nationales de l’Isère (1).
Les autres ENS font l’objet de conventions avec les agriculteurs locaux qui assurent la fauche.

Ancrage local

Le marais de Charvas est remarquable pour sa biodiversité faunistique et floristique.
Ses espèces emblématiques sont le triton des marais, la libellule leucorrhine gros thorax, l’azuré de la sanguisorbe ou encore la rainette verte pour la faune.
Les solidages, orchis des marais et gentianes pneumonanthe font partie de la flore ciblée dans le plan de gestion.
Sans compter tous les oiseaux nicheurs ou migrateurs, qui trouvent un abri où se poser après avoir survolé les nombreuses zones industrielles alentour.
« Mais le marais n’est pas sous cloche, assure Jean-Luc Grossi. Nous organisons des partenariats avec les écoles pour des visites à thème, qu’il s’agisse des chevaux ou pour découvrir les espèces du marais. Il y a aussi des demi-journées d’intervention avec le lycée horticole de Saint-Ismier pour la gestion du milieu. »
Le CEN est aussi en relation avec les sociétés de chasse, notamment pour organiser des battues au sanglier dont la présence est de plus en plus importante ou dans le cadre de quelques jours dédiés à la chasse au lièvre ou au faisan.
Le conservatoire est aussi partenaire d’associations locales de protection de la nature.
Mais le site, sans doute en raison de sa situation particulière, reste peu connu. Aussi le CEN souhaite développer « son ancrage local en s’appuyant sur les gens du territoire », assure le gestionnaire. Insolite et sauvage, l’endroit mérite le détour.

Isabelle Doucet

(1) 127 ENS locaux, 17 départementaux, 2 nationaux.