Le projet de méthaniseur d'Apprieu connaît quelques rebondissements. Une réunion publique organisée le 18 mai permettra à chaque partie de s'exprimer. Les agriculteurs espèrent un dénouement favorable pour conforter leurs productions.
Apprieu aura-t-elle son méthaniseur ?

Il n'y avait pas de raison pour que le projet de méthaniseur Apprieu, porté par un investisseur et des agriculteurs, déroge à la règle. Des questions, des craintes, des oppositions d'un côté, un montage technique et financier complexe, la structuration des acteurs de l'autre. C'est la raison pour laquelle Thomas Michaud, le préfet de La Tour-du-Pin, a conduit un comité de pilotage, qui s'est réuni à plusieurs reprises. Une réunion publique est organisée le mercredi 18 mai.
Pendant les séances de travail, le sous-préfet l'a répété : « Il n'y a aucun projet en France aujourd'hui sur lequel tout le monde est d'accord. Le projet sera lancé lorsque j'estimerai que raisonnablement il procure des avantages supérieurs aux inconvénients qu'il crée. » Le sous préfet en appelle à « une réflexion objective » et ajoute : « Ensemble, nous avons tous un petit bout de la solution. »

Evacuer des interrogations

Ce projet, au-delà de son ambition agro-écologique, permettrait aux exploitants laitiers particulièrement touchés par la crise « de se projeter dans l'avenir et de se diversifier », insiste Lionel Termoz-Bajat, qui préside désormais le projet Méthanisère.

Mais il a rapidement rencontré une opposition, notamment à travers la constitution du comité de défense contre son implantation rue de la Croix Vanel, les riverains étant soucieux d'obtenir des informations sur les possibles nuisances générées par cette installation. Le conseil municipal d'Apprieu s'était aussi massivement prononcé contre le projet, arguant du manque de transparence. Cela partait bien mal.
La chambre d'agriculture de l'Isère est intervenue pour accompagner les porteurs de projet et tenir compte des observations émises par les opposants. Ce qui a permis d'évacuer quelques interrogations comme celle des nuisances olfactives ou sonores.

 

Philippe Rivat, Max Gros-Balthazard et Lionel Thermoz-Bajat, agriculteurs porteurs du projet Méthanisère.


Le site de la Croix Vanel, dans le quartier de la Contamine, étant remis en question, une alternative a été proposée dans le secteur des Lilas au Rivier. Une étude d'impact et économique menée par la chambre d'agriculture a fait apparaître que le site de la Croix Vanel semblait cependant le mieux placé. Pour autant, la distance par rapport aux habitations et le trafic généré ont continué à inquièter les riverains. On parle aussi de cohabitation, sur les chemins agricoles, entre promeneurs et agriculteurs.

Le maire d'Apprieu, Dominique Pallié, qui mesure d'autant mieux les enjeux que son conseil municipal est à ce jour encore opposé au projet, a proposé de sécuriser le carrefour de la Croix Noyer et la voirie de la Contamine, dans le cadre de travaux d'intérêt général. Le préfet s'est dit prêt à soutenir les projets au titre de l'A2TR (Aménagement Terrassement Travaux De Réhabilitation).

Nouvelles pistes

« On se rejoint sur beaucoup de points », a constaté Alain Vial, le représentant du comité des usagers. Il faut dire que le message du maire se veut des plus raisonnables. Mais pour les riverains, la situation reste bloquée. Ils réclament de nouveaux sites alternatifs, en proposent même, après coup, deux autres, à Pierre Blanche en limite de la zone Bièvre est et aux Rivalaux dans la zone industrielle.

Est-ce une manœuvre pour faire durer la procédure ? L'acceptabilité est encore à la peine : problème du transport des effluents, risque de perte de valeur du foncier, question de la pérennité de l'installation nourrissent les interrogations des riverains adepte du Nimby (Not in my back yard). « Qu'est-ce qui nous garantit que dans dix ans le méthaniseur ne sera pas revendu avec une nouvelle déclaration ICPE pour accueillir des boues de station d'épuration ? » interroge le représentant des résidents qui veut mettre le méthaniseur « à deux kilomètres de toute habitation ».

 

Un méthaniseur de cette taille pourrait être installé.

 

La solution viendra-t-elle de la nouvelle proposition de terrain apportée par Christophe Ugnon-Café ? L'agriculteur, qui n'était pas partisan du projet débloquerait deux hectares, à mi-chemin du Rivier et de Contamine, en bordure de la zone d'activité, à proximité du rond-point de l'autoroute. « Je le propose au prix du m2 en zone industrielle, pas plus, pas moins. Comme ça, on sort le méthaniseur du village et le comité de riverains suit ». Christophe Ugnon-Café, ne veut pas prendre de parts dans le projet. Mais apporteur, c'est possible, « tant que ce sera des déchets agricoles ». La paix dans le village viendra-t-elle de cette alternative ?

Du côté de Méthanisère, cette annonce tardive étonne. « Nous finalisons le projet sur le terrian initial. Nous avons eu plusieurs réunions de comité de pilotage. Nous avons bossé tous ensemble et été plus que transparents. Notre projet peut s'intégrer à Apprieu, » déclare Lione Termoz-Bajat. « Nous n'avons pas envie de faire de fausse note », poursuit-il en considérant le nouveau terrain. « Si on étudie cette nouvelle possibilité, on peut nous reprocher de ne pas savoir ce qu'on veut.» Mais ce n'est pas seulement une question de crédibilité.

A froid, il oppose deux bémols : le prix est celui de la zone industrielle et non celui de la zone agricole et il est situé en contre-bas, nécessitant certains aménagements. « Nous avons besoin d'avancer et de nouvelles études représentent un coût », argumente encore le président de Méthanisère.
La question de la ruralité et de la cohabitation des activités est au cœur du débat. Le maire rappelle que le développement de l'activité de la commune participe d'un équilibre. La bordure d'autoroute est affectée à l'activité économique, mais l'agriculture est la garantie de « la conservation d'un espace vivable » et il sait qu'il est important de « lui donner un coup de main pour la préserver ».

Isabelle Doucet

Un projet agricole

Initié en 2011 avec la création de la société Méthanisère, le projet réunit 13 agriculteurs associés (70% des parts). Il est présidé par Lionel Termoz-Bajat, éleveur à Apprieu et Laurent Ganci, investisseur (30% des parts). L'unité envisagée, de taille modeste, est située en zone agricole. Elle s'appuie sur un approvisionnement uniquement d'origine agricole, soit 15 000 tonnes d'effluents d'élevage (fumiers, lisiers, résidus agricoles et d'intercultures). Les 12 000 tonnes de digestat naturel produites seront épandues en remplacement des intrants chimiques. Le parcellaire épandable est majoritairement situé à Apprieu.
La production d'énergie annuelle est estimée à 7 millions de kwh, soit l'équivalent de la consommation annuelle de 450 foyers. Le méthane sera injecté dans le réseau de gaz de GrDF. L'investissement devrait s'élever à 4,5 millions d'euros.

 

 

Coup de pouce à la petite hydroélectricité

La ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, a lancé le 26 avril dernier un appel d'offres pour le développement de petites installations hydroélectriques. L'objectif est de relancer la filière en développant près de 60 MW de nouvelles capacités ne relevant pas du régime de la concession. L'hydroélectricité, qui représente 11% de la production annuelle d'électricité et 61% des énergies renouvelables, avait été mise à mal par la mise en œuvre de règles sur la continuité écologique et par l'augmentation des débits réservés.
4 (encadré)
Anne Penalba, présidente de France hydro électricité.

Trois types de projets sont éligibles. Les régions de montagne sont particulièrement intéressées par la construction de nouvelles installations complètes d'une puissance supérieure à 500 kW et jusqu'à plusieurs MW (40% de l'appel d'offres). Le deuxième type de projets concerne l'équipement d'ouvrages existants, qui ne produisent pas d'électricité et pourraient donc être aménagés (barrages publics par exemple). Ces installations de 0,5 à quelques MW pèsent pour 50% dans l'appel d'offres. Enfin, le programme prévoit aussi l'équipement de petits seuils, soit 50 projets entre 36 et 150 kW. Il s'agirait de la réhabilitation de sites d'anciens moulins suivant une procédure allégée. Les candidats ont 7 mois pour préparer leur offre ; une phase de précadrage pour intégrer les enjeux environnementaux se déroulera jusqu'en juillet.
En région, Anne Pénalba, présidente de France hydro électricité, nous avait confié que 133 sites pourraient être équipés et 45 sites existants renforcés. « Cet appel d'offres contribuera à conforter le rôle de l'hydroélectricité dans le paysage énergétique français (...) déclare cette dernière. Il permettra également de soutenir la filière industrielle de l'hydroélectricité (...) qui génère chaque année plus de 12 000 emplois en France. »
ID

 

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